De son col vert bronzé, l'ourlet d'or de ses pennes, L'incarnat de son dos, les splendeurs incertaines De sa queue où des grains serrés de vermillon Sont alternés avec des traits noirs sur un fond De riche, somptueuse et lucide améthyste, Tout s'allume, tout luit... ... Et, sur ces yeux muants de claires pierreries S'unissant, se brisant en des joailleries Que sertissent le bronze et l'acier, et l'argent, Court encore un frisson d'or mobile et changeant, Qui naît, s'étale, fuit, se rétrécit, tressaille, Éclate, glisse, meurt, coule, ondule, s'écaille, S'écarte en lacis d'or, en plaques d'or s'éploie, Palpite, s'alanguit, se disperse, poudroie, Et d'un insaisissable et féerique réseau Enveloppe le corps enflammé de l'oiseau. Auguste Angellier, 1848-1911 - L' albatros Souvent, pour s'amuser, les hommes d' équipage Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers. A peine les ont-ils déposés sur les planches, Que ces rois de l'azur, maladrits et honteux, Laissent pieteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons tra îner à côté d'eux. Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule! Lui, nagu ère si beau, qu'il est comique et laid! L'un agace son bec avec un br ûle-gueule, L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait! Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la temp ête et se rit de l'archer; Exil é sur le sol au milie des huées, Ses ailes de géant l'empêchent de marcher. Charles Baudelaire 1821-1867
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